Alors qu’en Asie plusieurs fleuves sont désormais reconnus comme entités vivantes et personnes morales, l’ONU planche sur un traité international visant à protéger la biodiversité en haute mer. Décryptage.

Donner des droits aux fleuves : en Europe, l’idée se fraie tout doucement un chemin. Mais c’est naturellement des pays comme l’Inde ou la Nouvelle-Zélande qui ouvrent la voie : là où les fleuves sont sacrés ou considérés comme des ancêtres spirituels, contrairement à la pensée occidentale traditionnelle, qui a jusqu’ici considéré que l’homme avait une place prépondérante dans la chaîne du vivant.

Le fleuve Wanganahui a des droits

Pour de nombreux peuples, contrairement à l’Occident, l’humain fait partie intégrante de la nature. Il est un simple maillon du vivant.

Ainsi, en mars 2017, le Parlement néo-zélandais a reconnu comme entité vivante et personnalité morale le fleuve Wanganahui. La tribu Maori considère ce fleuve comme son ancêtre spirituel et se bat pour la reconnaissance de ses droits ancestraux depuis que l’Empire britannique, au 19e siècle, l’a découpé administrativement, le morcelant entre plusieurs propriétaires.
Cette reconnaissance politique et juridique a précédé de peu celle de deux fleuves sacrés de l’Inde, le Gange et le Yamuna. Le Gange fait partie des dix fleuves les plus pollués du monde; cette avancée contribuera peut-être à mieux lutter contre les pollutions domestiques et industrielles qui l’empoisonnent.

Des droits pour les fleuves ? En Europe, une révolution copernicienne!

A l’initiative de l’organisation Nature ‘s Rights, des députés européens essaient de mobiliser les citoyens pour obtenir suffisamment de signatures de façon à porter la question du droit des fleuves au Parlement.
Mais donner des droits aux fleuves, ça rime à quoi ? Notre esprit très cartésien d’Occidental peine encore à dépasser sa vision traditionnelle d’une chaîne du vivant dominée par l’Homme, lui octroyant tous les droits sur les autres éléments naturels. Contrairement aux autres cultures, mais aussi à contre-courant des biologistes du 21e siècle pour qui l’homme est un maillon parmi d’autres du « buisson » du vivant.
Doter un fleuve d’une personnalité juridique permet donc de défendre ses intérêts en tant que tels et non pas seulement pour l’impact de certaines actions sur les humains. De le mettre sur pied d’égalité face à des intérêts privés. Le fleuve acquiert un droit à la réparation en cas de dommages volontaires. Des plaintes pourront être déposées en son nom – comme un adulte parle pour un enfant devant un juge.

Des droits pour les fleuves et pour Pachamama

Plus largement, quels droits donner au Vivant ? Avant ce qui a été reconnu comme une première au niveau des fleuves, il y a eu d’autres avancées à propos de la Terre. Ainsi, du côté de l’Amérique latine où l’on est plus sensible aussi à cette vision des choses qu’en Occident. En Equateur depuis 2008, les droits de la nature sont inscrits dans la Constitution. La Bolivie a suivi. Pacha Mama, la Terre-mère, a désormais des droits. Les communautés peuvent exiger de l’Etat que soit respecté l’équilibre de ses cycles vitaux. Avec des procès qui ont déjà abouti favorablement. Puiser les richesses de la terre, polluer les cours d’eau et les sols, perturber les écosystèmes se fera moins facilement, puisque les droits de la terre, de l’air, de l’eau seront défendus en tant que tels en justice.

A la rescousse de la haute mer

Au-delà de 200 miles au large des côtes, l’océan n’appartient à personne.

Océan PacifiqueAutre patrimoine difficile à protéger : la haute mer. Cette zone immense qui couvre plus de la moitié de la planète se trouve en effet en dehors de toute juridiction nationale ! Jusqu’à 370km de large en effet, ce sont les états côtiers qui détiennent les droits d’en utiliser les ressources, que ce soit la pêche, le pétrole ou le vent, pour l’installation d’éoliennes.  Mais au-delà, l’océan n’appartient à personne. Et se trouve donc plus difficile à défendre.

En décembre 2017, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution historique ouvrant officiellement les négociations autour d’un traité sur la biodiversité en haute mer.

L’idée est d’aboutir à un accord sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine en haute mer, pour compléter la convention sur le droit de la mer.

Les discussions se poursuivront jusqu’en 2020 et traiteront des ressources génétiques marines, des aires marines protégées, d’évaluations d’impact sur l’environnement ou encore du transfert de technologies marines.

Les océans manquent cruellement d’oxygène

Selon une étude parue dans la revue Science, le taux d’oxygène des océans a atteint un niveau historiquement bas, aussi bien dans les zones côtières qu’en haute mer. La faute bien sûr à la combinaison réchauffement climatique/activités humaines. Par ailleurs, les zones côtières étant désormais très pauvres en poisson, la surpêche s’est déportée en haute mer. Et c’est là aussi que dérivent les « océans » de plastiques emportés par les courants marins…

De son côté, l’UNESCO étudie la possibilité de reconnaître cinq zones de haute mer particulièrement riches en biodiversité comme patrimoine mondial de l’humanité. Ce statut permettrait de les protéger un peu plus, face au no man’s land juridique. Une chaîne de montagne sous-marine, en plein milieu de l’Atlantique qui présente des conditions semblables à celles qui auraient existé aux origines de la vie sur Terre ; une oasis qui apparaît et disparaît au large du Costa Rica ; le lieu de rencontre des requins blancs, au milieu du Pacifique ; la mer des Sargasses, célèbre pour son calme plat, où se reproduisent les anguilles ; une île fossile au large de Madagascar. Tous ces sites présentent une extraordinaire biodiversité, à préserver d’urgence.

Pourvu que ces velléités de protection soient plus que symboliques…

 

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