À Tchernobyl, près de 30 ans après l’explosion de la centrale nucléaire, ou en Polynésie, un demi-siècle après les essais atomiques, la vie a repris ses droits. Mais pas tout à fait comme avant…

Des îles Galapagos aux pôles en passant par les forêts tropicales : les sites naturels sont de formidables laboratoires à ciel ouvert pour les biologistes qui en découvrent toujours un peu plus sur les mystères de la vie, l’évolution des espèces et les liens parfois inattendus entre celles-ci. Étudier l’impact des activités humaines sur la faune et la flore fait désormais également partie de leurs recherches.
En la matière, certains sites font l’objet de toutes les attentions tant les activités humaines y ont été « particulières » : c’est le cas des lagons de Polynésie, où l’État français procéda il y a 50 ans à des essais nucléaires aériens et souterrains, comme de la région de la catastrophe de Tchernobyl en Ukraine (à l’époque en ex-URSS), où la centrale nucléaire explosa en 1986, soit il y a près de 30 ans déjà. Nous n’aborderons pas ici les conséquences sur la vie humaine – sujet qui prête toujours à polémique dans les 2 dossiers – mais uniquement sur la vie végétale et animale.

Essais atomiques mortels en Polynésie

Après ce laps de temps et plusieurs campagnes scientifiques, on peut commencer à tirer certaines conclusions. Ainsi, dans la zone du Pacifique constituée par la Polynésie française, les essais nucléaires – dont un au moins a été 200 fois plus puissant que l’explosion de la bombe d’Hiroshima – ont anéanti toute forme de vie, complètement brûlé la végétation et éliminé notamment les communautés de gastéropodes qui y étaient implantées. Aujourd’hui, de ce « rien », une vie a repris. Comment ? D’une façon identique à la vie qui s’était développée avant ? Selon un assemblage différent ? C’est sur cette question que se penchent les chercheurs.

L' »incroyable résilience du vivant »

Les auteurs du dernier rapport, les Professeurs Pierre Legendre et Bernard Salvat, issus respectivement de l’université de Montréal et de Perpignan, parlent de l' »incroyable résilience du vivant »; ils ont étudié particulièrement les gastéropodes, parce qu’ils vivent longtemps et se déplacent peu. Le nombre d’espèces qui se sont établies depuis les essais n’a pas diminué, et a même légèrement augmenté, mais ce sont des populations très différentes d’avant. Plus de mollusques carnivores, moins d’herbivores : pour les auteurs de l’étude, la redistribution est due au hasard… Seul l’étage supralittoral fait exception, puisqu’on y retrouve 3 mollusques identiques avant et après les essais nucléaires : pour eux, la raison en est que, les conditions de vie y étant extrêmes, seules ces 3 espèces pouvaient s’y réimplanter.

À Tchernobyl, les traces de radioactivité

À Tchernobyl, dans un premier temps, toute vie a également péri dans cette zone devenue brutalement hautement radioactive. Aujourd’hui, bien que la radioactivité se soit infiltrée profondément dans le sol, la faune et la flore ont repris leurs droits et les chercheurs analysent dans leur ADN, au coeur de leurs cellules, comment certaines espèces ont pu s’en sortir.
Les organismes vivants se sont-ils réellement « adaptés » à cet environnement hostile? Pourquoi certaines espèces ne semblent-elles pas affectées par les substances radioactives absorbées quotidiennement ? Des chercheurs affirment qu’une sélection naturelle s’opère, que certaines espèces ont développé des résistances naturelles à la radioactivité, tandis que d’autres n’y sont pas parvenues. C’est le cas des hirondelles, oiseaux migrateurs chez lesquels on observe encore aujourd’hui l’apparition de malformations, notamment des cerveaux plus petits. Mais elles modifient aussi leur comportement face au danger puisqu’il semble qu’elles choisissent des endroits de la région moins contaminés pour construire leur nid…

La mort des micro-organismes

D’autres chercheurs pensent que la disparition d’individus touchés par les radiations est compensée par des migrations à partir de zones non radioactives, les animaux se succédant au fil des disparitions. L’observation récente d’arbres morts qui ne pourrissent pas suggère aussi que beaucoup de micro-organismes ne peuvent survivre dans cet environnement radioactif.
Malgré tout, les souris de Tchernobyl, analysées et comparées à des souris de laboratoire, ont permis de découvrir que « les effets secondaires très négatifs de la radiothérapie, pourraient être diminués grâce à une irradiation faible et longue ».

Paradoxalement donc, ces catastrophes nucléaires font avancer l’étude de sciences comme la biologie et la génétique…Mais ce laps de 30 – 50 ans, temps qui semble long à échelle humaine, est infiniment petit à l’échelle de la vie sur terre! Comment prédire dans quel sens évolueront les espèces ainsi intimement bouleversées dans les siècles à venir ?
Dans l’exposition « Génétique, la vie décodée », et plus particulièrement dans la partie « laboratoire », vous trouverez d’autres informations intéressantes sur le séquençage de l’ADN et l’évolution.