La technologie change-t-elle les règles des compétitions sportives ? Jusqu’où peut-on améliorer un équipement tout en maintenant au premier plan les performances physiques d’un athlète ? Avec les évolutions techniques en tous genres, ces questions sont de plus en plus au centre des débats.
Le requin, ce prédateur des mers, est connu pour sa grande vitesse. Celle-ci est due à sa peau qui, si on l’observe de plus près, est recouverte de petites écailles plantées comme des dents qui évitent à l’eau de frotter sur la peau. Des scientifiques ont eu l’idée d’imiter cette peau pour créer des combinaisons de natation qui rendraient les nageurs plus performants. Des combinaisons qui nécessitent un quart d’heure à enfiler et à enlever et qui sont comme une seconde peau qui améliore l’efficacité des mouvements dans l’eau.

Ces spécificités sont explicitées dans cette vidéo d’archives de l’INA :
À Pékin en 2008, une polémique a éclaté autour de ces combinaisons de natation, issues de recherche de la NASA et de grands laboratoires, avec lesquels les athlètes ont pulvérisé tous les records mondiaux! On a parlé de « dopage technologique ».
L’usage de ces combinaisons est, depuis, strictement réglementé : la FINA, instance dirigeante de la natation au niveau international, a décidé d’interdire certaines combinaisons qui donnaient aux nageurs une forme plus hydrodynamique, leur permettant de battre ces records de vitesse impressionnants. Ainsi, Fabien Gilot, l’un des membres du 4X100 mètres de l’équipe de France confiait à l’époque : « Je suis plutôt longiligne, pas forcément avec de grandes épaules ni de gros bras. Avant, j’arrivais à glisser dans l’eau; maintenant, la combinaison me porte. Le paramètre puissance a pris le dessus sur le paramètre glisse. »
« La natation« , argumentait notamment la FINA à propos de cette interdiction, « est par tradition un sport dans lequel l’équipement a toujours été secondaire par rapport au talent individuel et à la détermination. Avec les combinaisons introduites en 2008, l’équipement est devenu primordial, permettant à des sportifs aux aptitudes moindres de se mesurer aux sportifs les mieux préparés et s’entraînant le plus dur. C’est pourquoi il était clair qu’il fallait changer les règles. »

La technologie, une nouvelle donne dans le sport contemporain

Cet exemple concret montre bien que la technologie ouvre à l’homme de nouvelles perspectives et pose, avec d’autres thématiques comme la médiatisation, des questions inédites sur les valeurs du sport dans la société contemporaine.
Mais on peut citer d’autres exemples éloquents dans différentes disciplines sportives : en 1986, au Tour de France, Greg Lemond l’emporte sur Laurent Fignon grâce au « guidon du triathlète » introduit au dernier moment. Depuis, cette innovation a prouvé qu’elle apportait un confort certain aux coureurs en diminuant l’effort nécessaire, mais sur le moment même, les deux concurrents n’étaient pas sur pied d’égalité dans l’épreuve. En 2012, Oscar Pistorius, amputé des deux jambes, se qualifie et concourt parmi les valides grâce à ses prothèses en carbone. Citons enfin l’incroyable évolution qu’a connue la discipline du saut à la perche en un siècle, évolution uniquement due au matériau utilisé, du bois à la fibre de verre, en passant par le bambou et l’aluminium.

Des innovations technologiques, dans quelles conditions ?

La performance ne dépend plus seulement du physique et du mental, mais aussi des techniques.

Dans une compétition sportive, la performance ne dépend donc plus seulement du physique ou du mental, mais aussi, désormais, des aspects techniques. Dans quelles mesures et sous quelles conditions doit-on introduire ces innovations technologiques dans la pratique d’un sport ? Il faut s’interroger sur le fait que « ces aspects ne dénaturent pas la discipline et ne soient pas source d’inégalité dans la réalisation de la performance », avance Denis Masseglia , qui a réfléchi sur la question dans le cadre de ses fonctions au sein du Comité national olympique et sportif français. « Les chercheurs ne sont pas en cause lorsqu’ils découvrent de nouvelles molécules, de nouveaux matériaux, de nouvelles applications à des concepts connus… Pour toutes les innovations qui peuvent bouleverser la performance sportive, pour toutes les évolutions technologiques importantes, pourquoi ne pas prévoir des périodes d’essai à l’issue desquelles la réglementation, le législateur auront à choisir entre l’accepter, la moduler ou la refuser ? », interroge-t-il.
Et Denis Masseglia de mettre en avant la performance de Michael Phelps qui, lors du Championnat du monde de Rome en 2009, a réalisé un formidable parcours en bermuda face à des concurrents portant des combinaisons! « C’est à cela aussi qu’on reconnaît les champions d’exception! »

Ce sujet est abordé :
– dans l’exposition « Sport » du Pass, sur le mur des médias réalisé en collaboration avec le Comité Olympique et Interfédéral Belge. On peut y trouver une série de vidéos thématiques retraçant l’histoire des Jeux Olympiques modernes.
– dans l’exposition « Qu’est-ce qu’il ne faut pas inventer », dans la borne-jeu traitant du biomimétisme.
Autres sources de cet article :
– Rapport de l’UNESCO intitulé « Préserver les valeurs et l’éthique sportives »
Article « Technologie et performance sportive » d’après une conférence de Denis Masseglia (Comité national olympique et sportif français).