Grâce à une technique innovante, le Musée du Prado à Madrid met plusieurs chefs-d’oeuvre de la peinture à portée des malvoyants. Une expérience inédite.

toucher l'art

 

Toucher pour voir : c’est l’expérience incroyable à laquelle sont invités les non- ou mal voyants jusqu’à la fin du mois de juin au Musée du Prado à Madrid. Et que les puristes ne s’offusquent pas : ce ne sont pas les originaux des peintures de maîtres qu’ils peuvent caresser de leurs doigts, mais des reproductions en 3D mises au point par le Studio Durero de Bilbao. Intitulé Didu, le projet de traitement et de reproduction d’images en relief combine des outils technologiques, artistiques et pédagogiques pour convertir une image numérique en une image que l’on peut toucher, qui peut être ressentie par les doigts plutôt que par les yeux.

 

Technologie 3D au service de l’accessibilité de l’art

L’équipe est formée de graphistes, de peintres, de retoucheurs, de techniciens et de membres spécialisés de l’ONCE, l’organisme espagnol pour les aveugles. Le slogan du Studio Durero : « art + technologie + accessibilité ». « Chaque peinture que nous travaillons demande une façon de faire qui lui est propre« , expliquent sur leur site web les responsables de la société. « L’étude de l’oeuvre et de son contexte artistique nous informent des éléments essentiels à communiquer et constituent la première étape d’un processus où tout sera mis en oeuvre pour parvenir à une reproduction réaliste et compréhensible pour les aveugles. » Ils analysent donc la peinture à reproduire au niveau des textures, des formes, des volumes, des couleurs…

Chefs-d’oeuvre de l’histoire de l’art

toucher l'artPour l’exposition proposée au Prado, ce sont 6 peintures représentatives de l’histoire de l’art qui ont fait l’objet de ce travail de fourmi. Dont une version de la célèbre Joconde réalisée par un élève de Léonard de Vinci, Le Parasol de Goya ou encore l’un des tableaux les plus célèbre d’El Greco, Le noble avec sa main sur la poitrine. Les oeuvres sont en outre accompagnées d’un texte en braille et décodées grâce à un audioguide pour solliciter plusieurs sens. Mais la description par les mots n’est rien face au ressenti par les doigts qui permet davantage de recréer l’image mentalement… Toucher une barbe ou la texture d’un vêtement pour mieux les cerner constitue une expérience unique. Cette exposition « Toucher le Prado« est également accessible aux visiteurs « classiques » qui peuvent mettre des lunettes opaques pour ressentir la peinture comme peuvent le faire les déficients visuels.
Dans cette vidéo, Ruben explique comment il a aidé à la réalisation du projet et ce qu’il a ressenti en découvrant les oeuvres :

Didu, un projet unique

Le projet proposé au Prado, outre le fait d’être un défi technologique, constitue un investissement certain. Il s’agit d’une des démarches les plus abouties réalisées par un musée pour rendre accessible aux déficients visuels la beauté des arts picturaux. Le Metropolitan Museum of Art de New York ou la National Gallery de Londres, pour ne citer qu’eux, organisent régulièrement des visites guidées spéciales, des cours de dessin ou des ateliers tactiles. Le Louvre a également une galerie tactile proposant de toucher des copies de sculptures issues des collections.
Plus près de chez nous, au Mac’s, une approche de médiation particulière a été développée pour les aveugles et malvoyants. Elle repose sur des aides matérielles spécifiques telles que maquettes, thermoformages, extraits musicaux, textes en braille ainsi que sur le commentaire du guide qui accompagne le groupe.