Le grisou, ce gaz que craignaient tant les mineurs, pourrait-il être aujourd’hui capté pour devenir une source d’énergie locale ? La société Gazonor a en tout cas déposé 2 demandes de permis pour en explorer les possibilités.

La société française Gazonor, désormais entre les mains d’Albert Frère, a déposé auprès du cabinet du ministre de l’Environnement 2 demandes de permis d’explorer le sous-sol en quête de gisements de gaz de houille. Alors que Philippe Henry, l’ancien ministre compétent en la matière, s’était montré réticent, le ministre actuel, Carlo Di Antonio, est plutôt favorable à cette exploration; ses services sont donc en train d’examiner les dossiers.

Une exploitation du grisou déjà réalisée dans le passé

Les 2 demandes sont assez différentes. D’un côté, il s’agit de capter le gaz dans le sous-sol de l’ancien charbonnage de Péronnes-Anderlues, un puits où l’on recueillait déjà le grisou dans les années 50 et jusque dans les années 70 : Fluxys avait étanchéisé ce puits et transférait ce gaz sur le réseau. Les installations existent donc déjà.
Ce genre d’exploitation ne pourrait se passer dans les mines du Borinage qui ont été pour la plupart noyées après la fermeture.
D’autre part, il s’agirait d’explorer un énorme massif houiller qui n’a jamais été exploité et s’étend de Quiévrain à Couillet. Ici, il faut avant tout voir si cette perspective serait rentable. On ne creuserait pas de puits, mais on érigerait plutôt des derricks pour capter le gaz présent dans le sous-sol. On sait qu’il y a un potentiel énorme, mais on n’en connaît pas l’étendue.

Une réserve gazière importante ?

On le sait, ces projets d’exploitation de gaz du sous-sol fait peur. On a beaucoup parlé de l’exploitation du gaz de schiste, qui a mobilisé de nombreux opposants un peu partour dans le monde : la technique de fracturation hydraulique, qui consiste à briser la roche en injectant un liquide contenant des composés chimiques à très haute pression, est contestée pour les dégâts causés à l’environnement, notamment aux nappes phréatiques.
Dans le cas qui nous concerne, il s’agit plutôt de gaz de houille – la différence consistant non pas dans la nature du gaz, qui est toujours du méthane, mais dans la nature de la roche qui le contient. Par ailleurs, pour le charbonnage d’Anderlues, les veines ont déjà été exploitées et le gaz est donc présent dans les anciennes galeries…et peut être assez facilement capté sans besoin de fracturer la roche. Fanny Descamps, spécialiste en la matière à la Faculté polytechnique (Umons), et organisatrice récemment d’un colloque sur le sujet, argumente par ailleurs : « au cas où ce grisou parvient à s’échapper dans l’atmosphère, il est 25 fois plus nocif que le CO² au niveau de l’effet de serre. N’est-il pas préférable de le capter et de le convertir en énergie ? »; elle est donc favorable à étudier la possibilité d’une telle exploitation.

Une source potentielle d’approvisionnement énergétique

Pour le ministre Henry, il existait trop d’inconnues dans ce dossier, tant au niveau des conséquences environnementales que de la potentielle rentabilité de telles sources d’énergie.
Au cabinet Di Antonio, on est par contre plutôt favorable à étudier la faisabilité et à avoir la validation scientifique d’un tel projet. L’idée serait de pouvoir remplacer une partie des gaz importés de l’étranger, de plus en plus chers, par ce gaz « local », et donc de diminuer quelque peu la dépendance énergétique de la Wallonie. Ce sont les forages tests qui pourront déterminer en quelle quantité et donc pour combien d’années on pourrait bénéficier de cette exploitation; il s’agit en effet, rappelons-le, d’énergie fossile, et donc non renouvelable… 5, 10, 40 ans ? Il promet de poser toutes les balises environnementales nécessaires.
Dans le Nord-Pas-de-Calais, l’opposition aux forages de Gazonor reste vive. Qu’en sera-t-il chez nous ?

Sources :
La Libre, pages Débats 3/12/14
La Province, 5/12/14.